Le tollé a été grand pour l'ambassadrice de Suisse en Iran, Nadine Olivieri Lozano, qui s'est rendue voilée mercredi dans un sanctuaire sacré de la ville de Qom. Pour rappel, le régime iranien réprime violemment depuis des mois des protestations populaires soulevées après la mort de Mahsa Jina Amini aux mains de la police, le 16 septembre dernier. La jeune femme avait été arrêtée trois jours plus tôt parce qu'elle ne portait pas le voile.
En Suisse, la polémique soulevée par le geste de Nadine Olivieri Lozano rappelle une apparition de Micheline Calmy-Rey, alors ministre des Affaires étrangères: lors de sa visite de 2008 en Iran, elle avait également porté un voile, ce qui lui avait valu de vives critiques. Il s'agissait toutefois d'un foulard peu serré et non d'un tchador, c'est-à-dire d'un vêtement traditionnel porté par les femmes iraniennes, comme c'est le cas aujourd'hui pour l'ambassadrice suisse.
Un accord à signer
À l'époque, Micheline Calmy-Rey était en Iran pour signer un accord. Porter le foulard était «très difficile» pour elle, raconte-t-elle à Blick. Mais c'était une condition non négociable pour mener à bien la rencontre avec les officiels iraniens. Durant cet entretien, la position suisse sur le thème des droits de l'homme aurait également été discutée. Selon l'ancienne conseillère fédérale, le port du tchador était sûrement aussi une obligation pour l'ambassadrice suisse. La Genevoise a néanmoins critiqué cette visite, qui donnerait «un signe douteux». «J'y aurais renoncé», affirme Micheline Calmy-Rey.
L'apparition voilée de la diplomate suisse a provoqué de vives réactions auprès des politiciens et politiciennes nationaux. C'est le cas par exemple de la conseillère nationale Sibel Arslan. Au vu des conditions qui règnent actuellement en Iran, l'écologiste bâloise estime que la visite sous cette forme est difficile à mener. Il est important de chercher le dialogue et de trouver des moyens pour que les droits de l'homme soient respectés. Mais il ne faudrait pas que la Suisse s'adapte de manière excessive aux structures du régime iranien. «La diplomatie devrait actuellement être menée tranquillement en coulisses», estime-t-elle.
Vers une diplomatie plus silencieuse
Même son de cloche chez les politiciens bourgeois. «Je ne comprends pas cette apparition publique», déclare Franz Grüter, conseiller national UDC lucernois et président de la Commission de politique extérieure. Il exprime lui aussi le souhait d'une «diplomatie silencieuse». «Bien sûr, la Suisse a un mandat de puissance protectrice et ne peut pas simplement interrompre les discussions, mais je conseille tout de même aux diplomates de faire preuve de la plus grande retenue», insiste-t-il. Les apparitions publiques sont actuellement déplacées et «jettent de l'huile sur le feu».
Son collègue de parti et conseiller national saint-gallois Roland Rino Büchel parle d'une «danse de l'œuf». Pour chaque type de visite de ce genre, il faut se demander s'il ne vaudrait pas mieux y renoncer – surtout dans la situation actuelle. «La probabilité qu'une telle apparition soit instrumentalisée par la partie adverse est grande», souligne-t-il.
Propagande sur la Toile
Des exemples illustrant cette méthode de réappropriation affluent sur Internet. Sur les réseaux sociaux, Téhéran a déjà communiqué au sujet de l'apparition de l'ambassadrice suisse.
Le Département fédéral des affaires étrangères défend toutefois celle-ci. La visite de Nadine Olivieri Lozano était destinée à une institution académique active dans le domaine du dialogue interreligieux. Un domaine «d'une grande importance dans le contexte actuel». Ainsi, «une brève visite d'un site religieux important a eu lieu. Lors de cette visite, le protocole vestimentaire en vigueur pour les femmes a été respecté.» Et d'ajouter que la Suisse utiliserait tous les canaux existants pour promouvoir le dialogue, y compris entre les États dans le cadre de ses bons offices.
L'ambassadrice Nadine Olivieri Lozano, elle, n'a pas pu être jointe par Blick.